« Nous ne sommes qu’au tout début d’une nouvelle ère », a déclaré la top-modèle et entrepreneuse à nos confrères du ELLE US. Interview avec une top-modèle entrepreneure. 

Lorsque Karlie Kloss décroche son premier contrat de mannequin à 18 ans, elle s’offre… une bague Cartier ! « Je me souviens que je suis allée dans un magasin et que je l’ai fait graver à l’intérieur », raconte la mannequin et entrepreneuse. Elle décide alors de s’offrir un cadeau à chacune de ses réussites. « Au cours de ma carrière, j’ai pris l’habitude d’acheter des bijoux quand j’atteins une étape importante », ajoute-t-elle. « Pour me remémorer ces moments clés. » Une boîte à bijoux qui doit être pleine à craquer, car ces dernières années, son programme d’initiation au codage pour filles, Kode with Klossy, qui contribue à redéfinir les règles de qui peut réussir dans la tech, a pris une ampleur internationale. Elle a investi dans des start-ups de mode – qui utilisent l’intelligence artificielle – et s’est exprimée contre les interdictions dévastatrices de l’avortement aux États-Unis. Il y a deux mois, elle a annoncé avoir racheté l’un des magazines les plus légendaires du pays, « Life », s’ajoutant à la  liste de médias en pleine croissance déjà acquis avec sa société Bedford Media, (co-créée avec son mari, l’investisseur milliardaire Joshua Kushner).
 
Cette année, la mannequin était invitée à la Cartier Women’s Initiative, qui accompagne les entrepreneures du monde entier, en leur donnant les outils et le capital nécessaires au développement de leurs projets. Elle a rejoint les trente-trois lauréates du prix Cartier à Shenzhen, en Chine, alors réunies pour présenter leurs projets : des initiatives innovantes pour répondre aux problématiques environnementales et sociétales. Les lauréates ont reçu entre 30 000 et 100 000 dollars de subventions. Parmi elles, figuraient Erica Cole de No Limbits, une marque de vêtements basée aux États-Unis pour les personnes en situation de handicap, Jiwon Park, de la marque de bien-être sexuel SAIB pour aider les femmes en Corée du Sud à prendre en charge leur santé reproductive, ou encore la docteure singapourienne Lynne Lim, qui a inventé un dispositif robotique permettant aux médecins d’insérer plus facilement des tubes auriculaires dans les oreilles des patients. Une rencontre qui s’est achevée par une remise de prix, au cours de laquelle Karlie Kloss a prononcé un discours inspirant sur l’action collective, l’égalité des genres et l’importance de l’esprit entrepreneurial. Elle nous raconte pourquoi et comment elle s’est lancée dans la tech.

Karlie Kloss. Je travaille dans ce domaine depuis presque une décennie maintenant, et tant de choses ont changé ! Cela me rend très optimiste. J’ai grandi dans le Missouri, à l’école publique. Il n’y avait pas de programme d’informatique. Aujourd’hui, c’est le cas, comme dans de nombreuses autres écoles publiques et privées aux États-Unis. Il existe de plus en plus de dispositifs pour que les femmes et les jeunes filles apprennent à coder. Notre société comprend mieux à quel point la technologie contribue à façonner notre monde et ce, pas seulement au sein de la Silicon Valley, mais aussi dans le secteur de la musique, des médias, de la finance et des affaires. Mais il reste malheureusement, encore beaucoup à faire.
 
Kode with Klossy est devenue une organisation à but non lucratif d’envergure mondiale…

K.K. Nous apportons des compétences techniques, formons à l’intelligence artificielle, au développement d’applications mobiles, à la science des données ainsi qu’au développement web. Le tout, dans une atmosphère et un espace inclusif. Dans ces domaines, il est possible d’être très créatif. Nous espérons augmenter le nombre de participantes à nos programmes. Cet été, nous allons offrir gratuitement 5 000 bourses à des étudiantes pour qu’elles participent à Kode With Klossy. Nous avons déjà formé des centaines d’enseignants. Le but est de susciter et d’encourager un réel enthousiasme pour la technologie.
 
Pensez-vous que la technologie puisse faire progresser l’industrie de la mode ?

K.K. Nous ne sommes qu’au tout début d’une nouvelle ère. Il est très important que les gens réalisent que la technologie peut servir de grandes causes. C’est un outil qui permet de trouver de meilleures solutions dans tous les secteurs et toutes les entreprises. La mode – qui consomme beaucoup d’eau -est l’un des plus gros pollueurs de nos rivières et de nos océans. L’industrie a beaucoup de problèmes à résoudre, et c’est en partie pour cela que je suis optimiste à l’idée que davantage de gens se tourneront vers la technologie pour les régler. C’est une fois que nous prenons conscience des problèmes que nous pouvons trouver des solutions.
 
Vous n’avez pas eu peur de vous lancer ?

K.K. J’ai la chance d’avoir pour amie Natalie Massenet, la fondatrice de Net-a-Porter, une entrepreneuse extraordinaire. Il y a des années, elle m’a posé une question qui résonne encore en moi : « Que ferais-tu si tu n’avais pas peur ? ». Cette interrogation m’a profondément marquée, car elle souligne nos nombreuses craintes – la peur du jugement des autres, la peur de l’échec.

C’est important d’avoir une communauté autour de soi ?

K.K. Il faut beaucoup de courage pour devenir entrepreneur et ce, peu importe votre genre, votre âge, votre niveau d’expérience. Mais c’est vrai que c’est le réseau qui fait vraiment la différence. Un grand nombre de nos élèves de Kode With Klossy sont revenues en tant qu’enseignantes et occupent des postes d’encadrement. Nombre d’entre elles ont remporté des hackathons et des bourses d’études. Nous avons réussi à créer une communauté qui continue à se soutenir et à favoriser les liens entre les uns et autres.
 
Et maintenant, vous vous lancez dans les médias avec le magazine « Life »…

K.K. C’est un projet qui m’enthousiasme énormément ! Avec Bedford Media (la société fondée par Karlie Kloss et son mari, Joshua Kushner, N.D.L.R.), nous voulons mélanger l’espace créatif des médias et les possibilités offertes par la technologie pour stimuler encore plus l’innovation. Ces deux aspects sont capitaux pour nous. J’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve.
 
C’est important d’être un « role model » ?

K.K. J’ai deux jeunes enfants et j’aimerais être la meilleure mère possible, mais je garde en tête qu’il est important que les femmes occupent des postes de direction, car nos expériences sont différentes de celles de nos homologues masculins. Nous sommes nombreuses à jongler avec des responsabilités et des identités différentes, tant sur le plan personnel que professionnel. J’essaie simplement de faire de mon mieux chaque jour pour défendre les gens que j’aime et faire mon possible pour aider les autres.
 
Pour vous, les bijoux ont une valeur très forte et très symbolique…

K.K. Pour notre mariage, mon mari m’a offert une magnifique montre Cartier. Un jour, je la donnerai à notre fille, si j’ai la chance d’en avoir une, ou à l’un de mes deux fils. Je me suis également accordé le luxe de m’offrir des boucles d’oreilles en diamant. Il y a là quelque chose de très symbolique, c’était une manière pour moi de me dire : « Je peux aussi m’offrir quelque chose ». Les bijoux ont pour moi une dimension très personnelle, sentimentale. Ces boucles d’oreilles en diamants vintage des années 1920, avec leur histoire fascinante, imprégnées de ceux et celles qui les ont précédemment portées, sont très symboliques pour moi. C’est le pouvoir des bijoux, qu’ils soient anciens ou nouveaux : ils créent de précieux souvenirs. Avoir la possibilité de partager cela avec les générations futures est quelque chose que je trouve magnifique.